L’ART de RE-LIER

LINKs est donc une revue internationale transdisciplinaire bisannuelle, qui s’intéresse tout autant à la littérature, à la musique ou à la danse qu’aux « nouvelles technologies » et aux recherches dans les laboratoires, et dont le champ est sans cesse ouvert (comme il y a des systèmes ouverts), se nourrissant de son environnement, de ce qui se fait et se pense au moment présent, sans oublier de resituer les sujets traités dans une perspective historique. C’est là un axe en quelque sorte politique. Il ne s’agit pas pour LINKs (qui présente jusqu’ici une petite majorité de textes en anglais et des auteurs issus de divers pays : Brésil, États-Unis, Grande Bretagne, Australie, Nouvelle Zélande, Belgique, France, Espagne, Italie, etc.) de parler de sujets à la mode, mais de s’intéresser par exemple aux innovations techniques, de voir de près ce qui se fait (même dans des entreprises) et ce que cela apporte de nouveau, et de placer, pour ainsi dire, sur le même plan les travaux en laboratoire de certains scientifiques, la pensée de certains philosophes et la réalisation de certaines œuvres artistiques ; mettre en lumière un certain « art de créer ». Comme le dit Marcel Proust, dans À la Recherche du Temps perdu, il ne convient pas seulement de chercher, il faut « créer ».

LINKs, aussi académique (beaucoup de professeurs d’universités et de directeurs de recherche y écrivent) qu’« underground »,  propose un « art de re-lier » (d’après l’ingenio ou ingenium du philosophe napolitain du xviième-xviiième siècles Giambattista Vico) et lie des choses, des domaines, des individus parfois très éloignés les uns des autres. Ses modèles sont notamment le magazine MERZ de l’artiste et théoricien Kurt Schwitters (années 1920-1930), et la revue Radical Software des artistes et techniciens vidéos newyorkais des années 1960, auxquels se mêlent des ingénieurs des Bell Laboratories, mais aussi le magazine pour « jeunes » Pilote dans sa meilleure époque (années 1960-milieu années 1970, accueillant des dessinateurs de tous horizons et de tous styles), écran, revue militante de cinéma des années 1970, ou encore, sans que LINKs soit vraiment un work in progess de cette sorte, les Cahiers du poète-théoricien Paul Valéry, écrits entre 1892 et 1945.

Si la revue LINKs est un reflet de l’époque (elle l’est nécessairement), elle se veut plus que cela. Non qu’elle veuille faire l’époque, mais elle vise à la questionner en profondeur et à voir au cours du temps ce qui reste et ce qui tombe, ce qui change et ce qui subsiste dans les idées contemporaines et, sur un plan plus épistémologique, selon l’optique de l’historien des sciences Thomas Kuhn, tend à souligner à quel moment apparaissent des changements de paradigme de pensée et d’approches des phénomènes – la collaboration d’économistes, de statisticiens, ou de sociologues est à cet égard la bienvenue. La composition de la revue est surtout aléatoire (même si les choses finissent par paraître très ordonnées) et s’effectue au fil des rencontres, des intérêts, d’une certaine actualité voire d’une nécessité. À l’ingenio de Vico, s’ajoute la notion du wit (mot d’esprit) anglais ou du witz (chance de l’esprit) allemand, c’est-à-dire l’idée d’une création ou d’une puissance d’invention instantanée obtenue par le biais du hasard, où, de surcroît, la dimension humoristique n’est pas absente. LINKs se place également sous l’idée de la Complexité, mais d’une complexité âpre, celle des systèmes dynamiques, c’est-à-dire des systèmes évoluant dans le temps, notion à l’œuvre dans la biologie, la physique, les mathématiques et les neurosciences, comme finalement dans l’art et dans l’esthétique.

Louis-José Lestocart
Directeur de la publication

« LINKs » (The Art of Linking) is an annual transdisciplinary review. As a meeting place between hard sciences and humanities, LINKs will link scientific and artistic news (and reflexions) and also address the fields of philosophical thought (and also political) questioning the technical domains, the innovation academics as well as the societies’ evolution.  LINKs will probe everything that can connect in thinking into a complex, dynamic and reflexive approach, and propose a new aesthetic.

LINKs will assert the need for a non-linear vision and a thought of Complexity to consider and understand the world’s phenomena and contemporary political, social and technical issues. At the same time demanding and accessible, LINKS will offer an idea of epistemological reflection based on an in-depth knowledge of techniques and artistic and scientific innovations. Each contributor, coming from very diverse backgrounds, would thus bring his point of view.

 

Keywords: scientific current events, artistic current events, epistemology, philosophy, phenomenology, sociology, politics, theory of art, photography, cinema, video, experimental movies, cinema in virtual reality , physics, quantum physics, (quantum information, decohérence, bohmian ideas …,), mathematics, computing, neurosciences, neurodynamics, Systems Theory, systems dynamics, nanotechnology, net.art, installations, performances, interactive installations, virtual reality, mixed reality, innovation, artificial intelligence, robotics, medicine, biology, theoretical biology, auto-organization, multi-agents systems, bioart, land art, art market, music, literature, etc. It will remains open.

Louis-José Lestocart

À l’origine porté sur la littérature et l’art, Louis-José Lestocart a fait des études d’histoire et d’archéologie. Après s’être lancé dans des recherches sur la période proto-historique grecque et moyen-orientale et avoir exercé le métier d’archéologue et dessinateur archéologique (en médiéval et gallo-romain) durant une dizaine d’années, il se tourne vers le journalisme, poussé par la découverte de la danse contemporaine (il sera d’ailleurs plus tard membre de jury de films ou de vidéos sur la danse à Paris, et plus tard encore conseiller artistique-dramaturge sur une création chorégraphique donnée au Palais de Chaillot par son co-directeur d’alors).

Il produit alors des critiques littéraires, artistiques et cinématographiques (Lettres françaises, Europe, N.R.F., Positif, Cinemathèque(s), artpress – auquel il a collaboré régulièrement pendant une vingtaine d’années). Au début des années 2000, sa fréquentation assidue du milieu et des œuvres de l’art numérique, l’amène à développer une thèse en esthétique, science et technologie des arts (Paris8, 2002-2005), interrogeant, sur l’ensemble du xxème siècle, le paradigme de l’émergence et la genèse des univers distribués. C’est dans le cadre et dans le prolongement de cette thèse, via de nombreuses conférences, cours et workshops dans des écoles d’art (sur le cinéma, le cinéma numérique, l’histoire de l’informatique, du virtuel, de l’ingénierie, du net.art, et même sur la littérature baroque), et de colloques universitaires, d’études menées sur la perception des œuvres (notamment sur les peintures de Francis Bacon, au Musée Maillol, en 2004, avec une spécialiste de l’oculomotricité du Collège de France), puis de séminaires qu’il codirige à l’Institut des systèmes complexes de Paris-ïle de France (ISC-PIF), qu’il entreprend d’approfondir ses réflexions sur la Complexité et le « sentiment esthétique ». Celles-ci sont exposées, de manière « indirecte » et collective, dans deux ouvrages issus des séminaires de l’ISC-PIF mêlant mêlant art, cinéma expérimental, installations interactives avec systèmes multi-agents, neurosciences, philosophie et phénoménologie  (Esthétique et Complexité I et II, CNRS Éditions, « Alpha », 2011, 2014), et de manière plus « directe », dans une série de cinq monographies publiées chez L’Harmattan entre 2008 et 2014 (Entendre l’esthétique dans ses complexités ; L’intelligible connaissance esthétique ; Essai sur les figures de l’esprit: Culture non linéaire et naissance des formes ; L’expérience dynamique: Complexité, neurodynamique et esthétique et L’ordre quantique). Il écrit également dans des livres collectifs sur l’art contemporain, dont un sur la danse.

Si les séminaires et ouvrages collectifs ouvrent la voie à la fondation d’un groupe de recherche au CNRS, le GDR ESARS (Esthétique, Arts & Sciences) en 2015, il sort rapidement de ce groupe qu’il a cofondé, car il le juge trop « étroit », et, de fait, réductionniste. Se heurtant assez vite aux institutions culturelles, il échoue à fonder son propre groupe de recherche (Groupe-théorie Zip) avec des artistes connus et moins connus, mais il publie alors un nouvel ouvrage collectif (Esthétique de la Complexité : Pour un cognitivisme non-linéaire, Hermann, « Visions des sciences », 2017), qu’il dirige seul et qui comporte cette fois, en plus de l’art, du cinéma, du cinéma expérimental, des neurosciences, de la philosophie, de la phénoménologie, un texte sur la biologie et les sciences du développement. C’est là que naît l’idée d’une revue mêlant les sciences dites dures (physique, biologie, etc.), les sciences dites molles (sciences humaines) et toutes les « disciplines » du champ artistique, en conservant toujours le principe initial des séminaires de l’ISC-PIF et des publications qui ont suivi : mêler des gens connus et moins connus, pour observer de nouvelles pensées ou réalisations émergentes et les accompagner au fil des années tout en les confrontant aux chercheurs et artistes en place.

À propos de ses recherches récentes

Chercheur en épistémologie artistique rattaché à l’IRIS/CNRS (FR3636-Université Paris-Descartes) et théoricien d’une esthétique à base dynamique. Epistémologie de l’esthétique. Cette approche va à l’encontre d’une acceptation réductionniste des neurosciences et de l’intelligence artificielle et propose une hypothèse dynamique. Cette culture non linéaire, caractérisée en particulier par les notions de cognition située, distribuée et incarnée, touche aussi bien la sociologie, la biologie, la robotique, la psychologie développementale et comportementale que les neurosciences (neurodynamique). Les concepts issus de la physiques et adaptées à la biologie telles que l’auto-organisation, les modèles des systèmes dynamiques avec leurs notions d’attracteur, de cycle limite, de stabilité, de bifurcation, de transition de phase, ou d’hystérésis, etc., peuvent se montrer très pertinents pour étudier la perception des œuvres d’art 

« Dès le moment de ma thèse (Artistes et ingénieurs : le paradigme de l’émergence et la genèse des univers distribués, Paris8, 2005), il m’est apparu qu’il existait une lacune dans l’interprétation des œuvres, et en particulier des œuvres numériques et du net.art. On ne peut pas s’en remettre à Emmanuel Kant, à Walter Benjamin ou même à Gilles Deleuze en toutes choses. D’autres penseurs a priori moins connus, mais en fin de compte assez renommés, notamment aux États-Unis, ont déjà travaillé sur le sujet (parfois de façon plus détournée) et, surtout, il m’a semblé que de nombreuses notions de sciences « dures »  étaient tout à fait appropriées pour décrire et spécifier tel ou tel aspect esthétique d’une œuvre. C’est le cas par exemple des notions déployées par les neuroscientifiques, en privilégiant toutefois le champ spécifique de la neurodynamique (on peut tout à fait intégrer la théorie des systèmes dynamiques non-linéaires et son langage pour décrire les processus neuronaux servant à l’interprétation des œuvres).

Le propre de mon travail est d’expliquer ce que j’appelle le « sentiment esthétique » (Stimmung, tonalité affective ou tonalité émotionnelle) en étudiant de manière plus ou moins empirique les processus cérébraux, gageant que l’œuvre contient lisiblement pour celui qui la regarde la trace des processus mis en œuvre par l’artiste. C’est ce que j’appelle l’« intelligible connaissance esthétique » (locution soufflée, il y a plusieurs années, par un ingénieur-philosophe œuvrant dans le domaine de « l’Intelligence de la Complexité » et théoricien du Système Général). Un physicien, travaillant en laboratoire avec des neuroscientifiques depuis plusieurs dizaines d’années, et auteur d’un article dans LINKs 4, aborde les processus cérébraux présidant à la perception et à l’interprétation des œuvres d’une manière très semblable à la mienne. Ces temps-ci, je confronte, pour un prochain livre, cette notion d’intelligible connaissance esthétique au roman-essai de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, et plus particulièrement à son dernier volume, Le temps retrouvé II . »

Comité de rédaction

Membres fondateurs

  • Jean-Paul Allouche, Directeur de recherche au CNRS, Institut Mathématique de Jussieu, Paris6.
  • Luciano Boi, Maître de conférences à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Centre de Mathématiques et Équipe de Mésologie, Paris.
  • Bruno Pinchard, Professeur de philosophie, Université Lyon III.
  • Maurice Courbage, Professeur, Théorie des Systèmes Complexes, Laboratoire Matière et Systèmes Complexes, Université Paris 7.
  • Emmanuel Ferrand, Maître de conférences, Institut Mathématique de Jussieu, Paris6.
  • François Jouen, Neurosciences, Informatique, Traitement d’image Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études, Modélisation, Épigénétique et Développement (MÉDé).

Membres actifs

  • Andrew Adamatzky, Professor of Unconventional Computing, Director of the Unconventional Computing Lab, UWE, Bristol.
  • yann beauvais, Cinéaste expérimental et théoricien.
  • Mariano Bizzarri, PhD, M.D. professeur agrégé de biochimie, Département de médecine expérimentale de l’Université La Sapienza, Rome.
  • Vincent Fleury, Directeur de recherches au CNRS, laboratoire Matière et Systèmes Complexes de l’Université de Paris7.
  • Christophe Kihm, Professeur à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD-Genève). Responsable du programme de recherche « Habiter l’espace extraterrestre » (FNRS).
  • Jean-Claude Serge Levy, Professeur Émérite, Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques, Université de Paris7.
  • Giuseppe Longo, directeur de recherche au CNRS, biologie théorique, Centre Cavaillès, ENS et Tufts University, Boston.
  • Maël Montévil, Théoricien de la biologie, Docteur es sciences, Institut de Recherche et d’Innovation (IRI),Centre Pompidou.
  • Fernando Vidal, Directeur de recherche, Institution catalane de recherche et d’études avancées, ICREA, Barcelone.
  • Guiseppe Vitiello, Professeur honoraire, Département de physique, Université de Salerne.

Membre historique

  • Bernard Stiegler (1952-2020), Professeur à l’Université Technologique de Compiègne (UTC), distinguished professor at Nanjin University, visiting professor at the China Academy of Arts, Hangzhou, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI), Centre Pompidou.